
L’Iran n’est pas une île – ce n’est un secret pour personne. Pourtant, lorsque l’on y vit, c’est parfois ce que l’on ressent. Comment expliquer ce sentiment ?
L’impression d’être loin de tout – ou, du moins, d’être éloigné-e de tout –, voici un sentiment propre à l’Iran.
Des frontières difficilement franchissables
Géographiquement parlant, l’Iran n’est pas une île. Pourtant, il suffit de déplier une carte du pays et d’observer ses frontières pour constater que la réalité n’en n’est pas complètement éloignée : Irak, Afghanistan, Turkménistan, Pakistan. Le passage terrestre des frontières se limite donc au nord (Turquie, Arménie, Azerbaïdjan). Pour le reste, il faut préférer l’avion (la frontière indo-pakistanaise, par exemple, étant peu recommandable).
Cette région du monde – qui est pour moi comme pour beaucoup d’autres l’une des plus passionnantes – est malheureusement aussi l’une des plus dangereuses. En Iran, on jouit d’une sécurité relative par rapport au reste des pays voisins, ce qui renforce ce sentiment de confinement.
Plus largement, il est assez étrange de regarder d’Iran les informations internationales. Notamment toutes celles qui nous viennent d’outre-Atlantique : l’Iran apparaît comme une abstraction, une sorte de pays qui n’existe pas vraiment et au sujet duquel on peut nourrir toutes sortes de fantasmes. Cela renforce le sentiment de deux mondes parallèles qui ne se croisent pas, d’un dialogue impossible entre l’Iran et le reste du monde – et c’est malheureusement ce que les détracteurs de ce pays recherchent.
L’Iran, un pays qui se mérite
Comme une étreinte cachée, quelqu’un qu’on aime en secret et dont on évite de parler. Lorsqu’on aime l’Iran et qu’on s’y sent bien – comme c’est mon cas –, il faut sans cesse se justifier, expliquer. Et les questions sont encore plus insistantes lorsqu’on est une femme : là où notre interlocuteur souhaite mettre en avant sa sensibilité vis-à-vis de l’égalité, il nous enferme paradoxalement dans notre genre.
Être une femme, qui plus est une féministe, semble pour beaucoup être incompatible avec le fait d’aimer l’Iran – un homme n’entendra que très rarement (voire jamais) ces questions, alors que la question de l’égalité devrait le concerner tout autant. Et, pour être tout à fait honnête, je crois que je n’ai jamais autant reçu de remarques sexistes de la part de mes compatriotes masculins que lorsque j’ai parlé de l’Iran. Après avoir essuyé quelques-uns de ces commentaires, l’envie de discuter (et donc de raconter) passe très rapidement.
L’Iran est un pays un pays qui se mérite, qui exige qu’on laisse de côté beaucoup de certitudes. Un trait culturel présent chez la plupart des Iraniens, c’est cette envie constante de comprendre, de poser des questions – là où, en France, le débat est très souvent impossible (quel que soit le bord politique). En règle générale, il est frappant de constater à quel point les Iraniens privilégient la discussion et le débat. Et je l’ai d’autant plus constaté que, sur beaucoup des sujets, j’étais en désaccord avec mes interlocuteurs-trices. J’ai ainsi quelquefois changé d’avis au cours de la conversation ou au contraire réussi à convaincre (ce qui, disons-le, très franchement, est totalement impossible en France).
Évidemment, ici comme ailleurs, il y a des disputes salées et des incompréhensions. Mais, dans l’ensemble, on apprend beaucoup chaque jour en Iran et on se réinvente intellectuellement.
Par: Roxane
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